
En quoi la soumission (D/s) n’est pas contradictoire avec le fait d’être une « femme capable » ?
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En tant qu’humain, nos ressources internes sont limitées. Notre temps, bien sûr, mais aussi notre énergie physique et mentale, notre prise de décision, notre attention, notre motivation…
Ces ressources, nous les allouons dans un premier temps au maintien de la vie au quotidien. Certain.es d’entre nous savent à quel point la simple vie quotidienne peut être consommatrice de ressources. Se lever, s’habiller, se faire à manger… Tout cela consomme déjà quelques “billes” d’énergie, de volonté, de prise de décision…
Parfois peu, parfois la majorité de notre stock.
Lorsqu’il arrive que nous ayons du rab’, ces “billes” de ressource peuvent être utilisées pour le développement de notre vie. Optimiser ses finances, monter des projets, gagner en connaissances et en savoir-faire, nourrir ses relations…
Mais de part la nature limitée de ces ressources internes, il n’est humainement pas possible d’être “un humain capable” (pour reprendre l’expression à la mode) – i.e “développer notre autonomie et nos compétences” – sur tous les plans de notre vie, en même temps.
Pas assez de billes, trop d’items.
Et ce, quelque soit l’humain, malgré des différences individuelles qui peuvent être importantes.
Les entrepreneur.es ou les parents solo le savent bien. Pas assez de billes, trop d’items. Et ce, même si la société essaie de nous faire croire le contraire : on doit assurer sur tous les plans, avoir un mode de vie sain, un business qui tourne, un cercle social qui fonctionne, un style vestimentaire bien pensé, faire du sport, avoir un hobby…
Trop d’items, pas assez de billes. Alors, à chacun.e sa stratégie pour être des humains “capables” dans les items de notre vie : délaisser certains items, et mettre la majorité de ses billes dans une poignée d’autres ? Répartir ses billes pour en avoir un peu mais partout ?
Lorsqu’il y a le besoin ou l’envie de développer réellement une poignée d’items, il est souvent plus efficient d’y allouer la majorité de ses ressources. Nous avons l’exemple, bien connu, des “entrepreneurs à succès” qui , ayant retiré toutes leurs billes de prise de décision de l’item vestimentaire, ont une armoire remplie du même t-shirt et du même pantalon. Leurs billes de prise de décision peuvent alors être entièrement consacrées aux items qui sont stratégiques pour eux.
Et pour les items sans billes, ou avec peu de billes investies ? Si on a la capacité financière à pouvoir les déléguer, alors ils seront maintenus ou développés par quelqu’un d’autre. Que ce soit son ménage, son programme sportif, son alimentation, sa garde robe, ses finances… Et si l’on ne peut pas déléguer, alors ces champs seront laissés en friche : l’activité ne sera pas faite, ou faite au strict minimum.
Une troisième voie s’ouvre pour qui sent l’appel de la D/s en 24/7.
Cette troisième voie n’a pas toujours été évidente pour moi : j’ai, jusqu’à hier, vu le désir de soumission comme antagoniste avec le fait d’être une “femme capable” dans ma vie. Moi qui ai passé tant d’année à devenir cette femme courageuse et aventurière dont je suis fière, une femme qui mène sa vie selon son cœur et non selon les normes… mon désir de soumission en 24/7 était comme une ombre au tableau. Quel était ce désir, honteux et antinomique, de vouloir remettre la gestion “de ma vie” (on verra juste après que ce n’est pas tout à fait vrai) entre les mains d’un autre ? Quelle était cette trahison intérieure à la “femme capable” que je veux être ?
Jusqu’à ce que ma coach me dise cette phrase :
“Ta soumission est une optimisation de ton autonomie”.
Car oui – en ce qui me concerne tout du moins – mon désir de soumission en 24/7 n’est pas valable sur l’intégralité des aspects de ma vie. Il y a effectivement des items sur lesquels je veux garder mon autonomie, mais aussi et surtout, sur lesquels je veux mettre plus de mes billes ! Ma partie artistique par exemple. Et il y a d’autres items, sur lesquels non seulement je n’ai aucun plaisir à y mettre des billes (car ce sont des billes que j’aurai largement préféré mettre sur ce qui compte vraiment pour moi), mais en plus de ça, même en y mettant quelques billes… le résultat est loin d’être transcendant. Sur ces items mal-aimés, quel nombre considérable de billes il faudrait que j’y alloue pour que cela ressemble à peu près à quelque chose ! Et à quel détriment de ce qui compte vraiment pour moi !
Pour qui a peu de billes en poche (de manière innée, ou durant une phase de vie), remettre le pouvoir décisionnaire à un.e Dom (dans un cadre Sain, Sécure et Consensuel bien sûr) sur tout ou partie des items de sa vie peut permettre de pouvoir vivre plus sereinement. Avoir assez de billes pour que se lever, s’habiller, manger et nourrir sa joie soit léger au quotidien.
Avec un peu plus de billes en poche, nous pouvons commencer à les investir dans le développement d’items précieux pour nous. Le business, la créativité, nos relations… Chacun sa popotte, entre des items (et leur proportion) offerts à un.e Dom et les items où l’on garde son autonomie.
Le parallèle peut tout aussi bien se faire pour les dominant.es, même si c’est un sujet sur lequel j’ai un peu moins réfléchi. Confier l’item domestique à un.e sub (dans un cadre Sain, Sécure et Consensuel bien sûr) pour mieux investir ses billes ailleurs est l’exemple le plus facile. Mais ne pas avoir à argumenter au quotidien pour prendre une décision de vie commune peut aussi être un exemple d’optimisation de ses ressources.
Tel un vrai partenariat de vie, la relation D/s en 27/7 semble non seulement ne pas être antinomique avec le fait d’être un « humain capable », mais aussi et surtout être un support précieux à une vie où non seulement nos items « de force » sont irrigués de nos propres ressources, mais où (tout ou partie) de nos items « mal-aimés » ne sont plus laissés en friche.
J’aime voir la relation D/s comme un endroit où deux être humains égaux par nature déposent sur la table leurs items de vie et leurs ressources respectives, avant de se les dispatcher – par une réflexion commune – de manière dissymétrique, et ce afin de servir au mieux les besoins et l’épanouissement de chacun.
Tel est l’état actuel de ma réflexion à ce jour.
Texte par : Emmanuelle
